Rachid Santaki, 46 ans, est un homme aux multiples talents. En plus d’être romancier et scénariste, il est aussi journaliste, entrepreneur, actif dans le milieu associatif et organisateur de dictées géantes. Ce quadragénaire issu de Saint-Denis a plus d’une corde à son arc. 

Son BEP comptabilité en poche, il quitte le lycée. Malheureusement, un évènement tragique le touche, Rachid perd son grand frère. Durant cette triste période, le dionysien (NDLR : habitant de Saint-Denis) se met à écrire. Il retranscrit toute sa peine sur le papier. Il faut dire que depuis son enfance, Mohamed Mrabet, écrivain marocain de renom et voisin, initie Rachid à cet art. Manutentionnaire ou éducateur sportif dans ses premières années d’adulte, le jeune banlieusard se lance progressivement dans l’entrepreneuriat. C’est en 2003 qu’il lance, avec un associé, le magazine 5 Styles, une revue gratuite mensuelle qui traitait de la culture hip-hop. À l’occasion de la sortie de son prochain ouvrage, Laisse pas trainer ton fils, nous l’avons rencontré dans ses bureaux à Saint-Denis. 

 « J’ai déjà vu des mecs qui sont tombés pour de grosses affaires pleurer dans mes ateliers parce qu’ils s’y sentent bien »

Cet homme imposant, de par sa grande taille et son immense talent pour l’écriture, publie déjà son quatorzième roman ce vendredi 23 octobre. “Le Bernard Pivot des banlieues”, comme il est surnommé dans la presse, nous évoque de quelle drôle de façon il a été amené à intervenir dans les établissements pénitenciers :  « En 2012, on volait mes livres en prison! À la base, on m’a demandé d’intervenir auprès des détenus et de les sensibiliser à la lecture. Le projet m’a plu, donc je l’ai poursuivi de manière régulière ». Au-delà du nouvel univers qu’il découvre, Rachid est impressionné par les histoires singulières qu’il entend au fil de ses interventions :  « J’ai été choqué de voir un non-voyant en prison », narre-t-il. L’auteur aguerri comprend que les détenus l’apprécient pour une chose précise : sa capacité d’écoute, sans jugements. C’est pour cette raison qu’il se sent bien avec eux et vice-versa : « Le matin quand je passe le portique, je suis super content d’aller les voir », nous avoue-t-il. Une vraie relation de confiance est donc établie entre lui et les détenus, à tel point que des scènes inhabituelles se déroulent de temps en temps. Rachid raconte : « J’ai déjà vu des mecs qui sont tombés pour de grosses affaires pleurer dans mes ateliers parce qu’ils s’y sentent bien ». Pour certains condamnés, l’expérience leur permet de sortir de leur zone de confort, et pour d’autres, c’est l’occasion de retranscrire leurs peines sur le papier : « En détention, ta vie, elle est entre parenthèses », complète-t-il. Non sans hasard, en 2020, Rachid Santaki intègre le jury du concours d’écriture organisé par la fondation du groupe M6, adressé aux personnes incarcérées de tout âge, hommes comme femmes. Un recueil vient d’être publié réunissant leurs productions.

Un nouveau livre inspiré par la jeunesse

C’est majoritairement auprès de mineurs que Rachid trouve son inspiration, à travers les nombreux ateliers qu’il mène auprès des jeunes de quartiers. « Avec les mineurs on apprend tellement de choses. En toute logique, j’ai voulu leur consacrer un ouvrage, évoquer des choses dont on ne parle que très peu, voire jamais », s’exprime-t-il. C’est pendant le confinement, en mars dernier, qu’il met sur papier la trame de Laisse pas trainer ton fils. On y retrouve, comme thématique principale, la vie de banlieusards et les rixes dans les quartiers. Le récit s’inspire librement de cette actualité. Comme pour chacun de ses livres, le charismatique bonhomme aux grandes lunettes ne s’inclut pas dans le récit. Son objectif est de traiter d’un sujet sociétal. 

« Quand on écrit il faut de l’enthousiasme » affirme Rachid, et il poursuit :  « L’écriture c’est pas un talent qui vient comme ça, ça se travaille ». Et de fait, celui qui a déjà marqué tant d’esprits n’a pas démérité son trône : organisateur de 300 dictées géantes (ndlr : dont la plus grande du monde avec 1500 personnes au Stade de France), lauréat du prix de l’espoir de l’économie CCIP et il trouve le temps de pitcher pour la chaîne Canal +, entre autres… Durant le confinement, cet acharné de boulot n’a pas chaumé : écriture de son livre et dictée en live sur facebook, qu’il poursuit tous les lundis jusqu’à fin 2020. On peut aussi l’écouter à la radio, tous les samedi à 17h40 sur France Culture. Pour cet acharné de travail, le ciel est la limite.

Sofia Akbli et Arnie Hayatou

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